BIRD
MUSIQUE & CINÉMA
Lundi 14 octobre 2013 à 19h
Cinéma Gérard Philippe
MERS-LES-BAINS
Avant la projection concert de jazz au piano avec Emmanuel DELAIRE
19h : Concert
20h : Pause conviviale
20h30 : Projection du Film Bird
Concert et projection : 12 €
Etudiants :8 €
Gratuit pour les moins de 16 ans
Télécharger le dossier de presse
Emmanuel DELAIRE, piano
Pianiste de formation, Emmanuel Delaire a multiplié les expériences musicales.Arrangeur
pour des comédies musicales,accompagnateurs de chanteurs comme le Québécois
François GENEREUX ou la chanteuse argentine de tango Estela KLAINER, membre de
nombreux groupe Jazz, Jazz-rock, Blues, Soul, ce musicien éclectique a également
participé à des sessions d’enregistrement comme le disque du saxophoniste Sébastien
SOUCHOIS ou "Hommage à Léo"avec le chanteur Alain MARCADE. Il découvre le Stick
Chapman en 1989 et développe pour l’instrument une technique « pianistique ».
En 1992,
il participe à la "Nuit du Stick" au passage du Nord-Ouest à Paris, avec Franck JOLLIFFE
et Jim LAMPI. Il se produit également en concert au festival de Gaumes(Belgique) avec
Dré PALLEMAERTS puis, sa collaboration avec le batteur belge Antoine CIRRI l’amène à
se produire au festival international de jazz de Huy (Belgique).En 2002, il fonde avec
Gilles Thomas le Trio STIGUIBAT.
LE FILM > BIRD
Date de sortie 1 juin 1988,
Durée (2h 40min)
Réalisé par Clint Eastwood
Avec Forest Whitaker, Diane Venora, Michael Zelniker...
Une moisson de prix – dont l’oscar du meilleur acteur pour Forest Whitaker
– et de nominations – dont celle pour le césar du meilleur film étranger... En
1988, le treizième film réalisé par Clint Eastwood – le deuxième où il ne se
dirigeait pas lui-même, après un Breezy fraîchement accueilli à sa sortie en
1973 – fut celui qui fit prendre bel et bien au sérieux le cinéaste par les
critiques et par ses pairs, aux États-Unis et dans le monde. Sans doute
parce qu’il présentait plus encore que les précédents – a fortiori en
l’absence de l’imposante aura de la star à l’écran – les signes d’un
Eastwood dont on faisait alors peu la publicité et qui s’avérait bien
séduisant : mélomane amoureux du jazz, conteur « classique » talentueux
capable de récits sophistiqués à l’image soignée, républicain plus modéré
qu’on le pensait puisque ouvert à la communauté noire, pessimiste sans
concession à l’égard du rêve américain. Cette relativisation d’une figure
qu’on croyait connaître est sans doute bienvenue, mais reste à voir si la
séduction de ce « nouveau » visage n’a pas éclipsé les zones d’ombre, les
ambiguïtés, les limites du film et de son réalisateur.
Pour évoquer une de ses idoles musicales, le saxophoniste Charlie « Bird » Parker,
Eastwood ne prend ni le plus court chemin (Bird fut le premier de ses films dont la durée
atteignit les deux heures trente), ni le plus simple. À la faveur de réminiscences
fantomatiques (raccords en fondu enchaîné) ou plus apaisées (raccords cut), le récit
aime à faire des sauts temporels entre le présent et des flash-backs imbriqués entre eux
en deux ou trois niveaux, entre un incident de jeunesse annonciateur et l’actualité d’une
déchéance au stade terminal, en passant par les tournées, les concerts, les
enregistrements, les rencontres, les tentatives de vie de famille. Bird se trace ainsi une
route droite, mais qu’elle parcourt en vagabond, par allers-retours, comme pour espérer
se perdre dans les souvenirs avant d’être repris par un présent impitoyable. Le film se
plaît à brouiller la linéarité du déroulement chronologique pour laisser dominer les
images les plus persistantes, soit parce qu’un passé désormais révolu les conserve, soit
par leur poids sur le présent : les ambiances liées à la « musique noire » (boîtes de
jazz, bicoques des États du sud), les figures et les noms d’artistes (soit campés à
l’écran comme Dizzy Gillespie, soit cités par les pairs et les aficionados), mais aussi les
vieux démons chevillés au corps du protagoniste. L’omniprésence de la musique de jazz
et d’une photographie plutôt sombre aux halos et aux clairs-obscurs ambivalents –
convenant aussi bien à la chaleur des salles de concert qu’à la misère solitaire –
achèvent de réunir ces images en un éloge funèbre à la fois nostalgique et amer.
Mémoire, musique et misère : tel est l’essentiel dont se nourrit Bird, s’aventurant au delà
du « basé-sur-une-histoire-vraie » avec un réel dévouement qui le distingue bel et
bien du tout-venant du « biopic » illustratif et lénifiant dans lequel Hollywood tend à se
complaire. Cependant, cette incarnation se fait au détriment, regrettable, d’une vision
sur d’autres aspects. Notamment, l’évocation de Charlie Parker lui-même, pourtant
personnage central et issu du réel, est toute entière ramenée à cela : un musicien
talentueux dont les morceaux suffiraient seuls à témoigner du génie (à l’élaboration de
son art, à son importance dans l’histoire de la musique, le film ne s’intéresse que
superficiellement), et un grand malade dépendant à l’héroïne et à l’alcool,
inexorablement inapte au bonheur malgré la vie conjugale et les enfants, qui allait
mourir de plusieurs dysfonctionnements cumulés dans un corps prématurément vieilli.
Jamais Bird ne laisse le personnage « Bird » franchir les limites de ces deux
dimensions, ni de cette sombre trajectoire toute tracée, annoncée par le flash-back le
plus ancien (la vision du cadavre d’un drogué), martelée parfois par l’image et le son
roulant d’une cymbale qu’on jette à ses pieds pour interrompre un de ses solos – le
coup d’arrêt du destin toujours en marche. Rien ne vient, à la marge, laisser deviner que
cet individu pourrait se définir par autre chose. De Parker, Eastwood aime sans conteste la musique – son film s’en rengorge, même – mais l’homme l’inspire visiblement moins,
il n’y voit qu’un performer et une épave à la dérive, créateur d’une bande musicale
virtuose et illustration forcenée de la citation de F. Scott Fitzgerald qui ouvre Bird : « Il
n’y a pas de deuxième acte dans la vie des Américains. » Soit la négation nette du
mythe de la « seconde chance » si cher à Hollywood, contestation certes louable, mais
dont le personnage Charlie Parker, évoqué de son adolescence à sa mort précoce, fait office de victime expiatoire forcée, de pur prétexte, à longueur de métrage.
Si le pouvoir de suggestion du style ultra-limpide d’Eastwood reste précieux, si son
pessimisme au sein de Hollywood où il est pourtant une icône est une singularité
bienvenue, ces qualités ne vont cependant pas sans un certain simplisme, pas si
négligeable qu’une certaine critique a voulu le croire, préjudiciable quand il lui fait
adopter une posture sclérosée face au monde. Ne laissant à Parker que les seuls loisirs
de jouer, de se rire des circonstances et de se détruire, il jette sur sa déchéance un
regard dont la simplicité s’apparente à une sévérité assez raide, trahissant sa distance
moralisatrice quand il en vient à se réfugier derrière des procédés bien hollywoodiens
pour forcer le trait – comme quand il met en parallèle, par un montage alterné, la
tentation adultère de Parker et la mort de son enfant à plusieurs milliers de kilomètres
de là. C’est le double tranchant de ce qu’on a pu, depuis Bird, étiqueter « le classicisme
eastwoodien ». Cette voix d’artiste contrastée, faite à la fois de réflexes réactionnaires
et d’empathie avec son temps, est capable d’affirmer ses aspérités à travers les images
et les mouvements de cinéma les plus lisibles. Mais avec des films comme celui-ci – et
cela s’est vérifié plus encore, tristement, dans sa filmographie d’après 2000 – le
cinéaste a pu trahir une certaine tentation de l’académisme de forme et d’esprit.
Benoît Smith
www.critikat.com/Bird.html
PARTENAIRES
En partenariat avec le Cinéma Gérard
Philipe, Ciné-Lundi, Les Heures
Musicales de la Vallée de la Bresle et
la Commission Culturelle
de MERS les BAINS